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LA VIE DE FAMILLE

un mauvais goût presque incroyable. Quelquefois une moitié du visage est couverte de traits et de plaques rouge zinobre, et l’autre dito en jaune, ou bien de toutes les fantaisies imaginables, en vert, bleu et noir, sans qu’il me soit possible d’y découvrir le moindre égard pour la beauté. Voici venir un Indien qui s’est posé une plaque rouge au beau milieu du nez ; en voici un autre qui s’est peint tout le front en petits carrés rouge et noir ; un troisième a tracé avec du charbon des cercles noirs autour de ses yeux. Tous portent dans les cheveux des plumes d’aigle ou de coq, la plupart teintes ou ayant au bout des houppes en laine rouge feu. Les cheveux sont coupés droits sur le front, le reste tombe tortillés ou en tresse, sur les épaules des hommes et des femmes. Ces dernières sont rarement peintes, mais alors c’est avec plus de goût que les hommes ; elles se bornent ordinairement à une petite tache rouge vif sur la joue ; la racine des cheveux sur le front est teinte en pourpre. Leur extérieur me plaît mieux que celui des hommes. Elles ont le sourire bon, souvent une expression très-amicale, et dans les yeux quelque chose de beaucoup plus humain que les hommes ; mais elles ne sont évidemment que leurs bêtes de somme. Un Indien passe, il marche fièrement la tête haute et ornée de plumes ; il ne porte rien, excepté sa pipe, et, quand il s’agit d’une longue course, il tient un long bâton à la main. Derrière lui vient sa femme, tête baissée, dos courbé sous les paquets dont elle est chargée, et qu’un ceinturon passé autour de son front l’aide à soutenir. On voit sortir de ces paquets une petite figure rebondie avec deux yeux noirs, c’est son « Papoose, » nom que l’on donne ici à un nourrisson. Le corps de l’enfant, entouré de langes, est attaché le dos contre une planchette destinée à le maintenir droit ; il vit, se nourrit, dort, grandit, tou-