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LA VIE DE FAMILLE

et la gelée couvraient encore leurs champs, pour me rendre dans le sud de l’Amérique du Nord, et j’ai passé près de trois mois dans les États des Palmettes de la Caroline du Sud et de la Géorgie. Le soleil y était chaud. Là, j’ai trouvé l’esclavage, vu son ombre épaisse répandue sur la terre réchauffée par le soleil, sa chaîne retenir le développement moral et politique de ces États, et je n’en ai pas moins joui de la vie comme je ne l’avais pas encore fait, au milieu du travail intellectuel ascendant et incessant des États du Nord. Je m’y suis mieux reposée, mieux portée. La beauté moelleuse du climat et de l’air dans cette saison, la magnificence de la végétation, les belles et nouvelles fleurs, les parfums, les fruits, la splendeur des forêts primitives qui longeaient les rivières rouges, l’éclat des mouches luisantes pendant les sombres et chaudes nuits, les promenades sous les chênes verts auxquels étaient suspendues de longues lianes, leurs arcades gothiques, — scènes nouvelles et ravissantes pour des yeux européens ; — une certaine vie romantique, pittoresque par le contact des races blanches et noires sur cette belle terre embaumée ; la vie et le caractère particulier des nègres, leurs chants, leurs fêtes religieuses… me pardonnerez vous le ravissement que tout cela m’a causé, et d’avoir oublié momentanément les ténèbres de l’esclavage pour ne voir que les images lumineuses évoquées par la beauté du Sud, sa nature et une partie de ses habitants ? Aucun poëte ne célébrait les idéalités morales de la société ; mais le moqueur, ce rossignol de l’Amérique au Nord, chantait dans les forêts embaumées la terre, ses habitants, les fleurs qui paraissaient se baigner dans la lumière. Cependant mes lettres à ma sœur prouvent que je n’ai pas fermé les yeux sur le côté obscur et mensonger de la vie du Sud.