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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

nonçant la dévastation. Le grand fleuve me paraît ressembler au déluge, le registre de ses péchés est grand aussi. Notre magnifique Arche de Noé, plus cosmopolite encore que la première, flotte sur le Mississipi avec une conscience tranquille, et c’est en même temps un gîte si agréable que, tout en pensant parfois au déluge, aux péchés du Mississipi, au sort de Soto, je me sens légère et heureuse.

La paix, l’ordre, le calme, régnent à bord. Je passe la matinée seule à lire quelques pages de l’histoire d’Amérique, du Journal de l’homme, par Buchanan, et laisse courir mes pensées avec le courant vers la mer. L’après-dînée et le soir, je fais société avec quelques compagnons de voyage agréables, qui se trouvent à bord. À l’heure des repas, M. Harrison est toujours dans le salon, prêt à me conduire à table, et le matin il me tend la main avec une cordialité fraternelle, pour me souhaiter le bonjour. Il s’assied à côté de moi, me nomme les mets, me dit ce que je dois manger, est amusant, agréable. Doué d’une raison saine et spirituelle, il n’en fait pas moins bon marché de sa tête comme assez mal meublée. J’ignore le nombre de ses connaissances, mais je sais qu’une forte nature pratique comme la sienne, quand un cœur chaud, un noble caractère y est joint, me calment et me rafraîchissent à la fois. Je veux avoir pour frère l’homme qui emploie une richesse acquise par son travail à acheter une maison, à la meubler pour son père et sa sœur, mais non pas précisément à cause de la maison.

Les animaux, nos sujets, qui sont à bord, m’amusent, excepté les porcs, que je voudrais noyer tous dans le Mississipi, car ils nous envoient de temps à autre des émanations fâcheuses. Les cris de ces animaux ne sont pas désagréables à entendre d’un peu loin. Ils ont un air si sa-