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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/439

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

seulement, une jeune fille nègre s’arracher aux mauvais traitements de son maître (homme d’église) et se précipiter dans la rivière.

Je vis des bandes de femmes et d’hommes captifs, condamnés à travailler de bonne heure et tard, privés de tout rayon de la lumière qui aurait pu donner de l’espoir à la captivité, et lui faire entendre la voix de celui qui dit : « Venez à moi vous tous qui travaillez et qui êtes chargés. » Ils étaient séparés de cette lumière par des gens se disant chrétiens ! — Mais pardon, mon Agathe, je ne devrais pas t’affliger par la vue de ces sombres tableaux, je voudrais pouvoir éviter moi-même de les regarder ; je n’oublierai jamais l’impression que j’en ai reçue. C’en était fait du plaisir que me causaient l’air et la beauté du Sud. Je haïssais la génération qui peut commettre de pareilles cruautés, de pareilles injustices ; je haïssais ceux qui les couvrent d’indulgence en faveur du commerce. J’éprouvais du dépit contre moi-même, d’avoir voulu me ménager en fermant un moment les yeux sur le résultat de l’institution de l’esclavage. Mais je me figurais que les choses étaient peut-être mieux maintenant.

La Géorgie et la Caroline ont cependant laissé pénétrer la lumière du christianisme jusqu’aux esclaves. Dans ces deux États, j’ai entendu les enfants de l’Afrique chanter, avec une allégresse infinie, leur Sauveur !…

Mais ici, dans la belle partie méridionale du Mississipi, les choses sont pires qu’au milieu du paganisme.

Mississipi, grand déluge, je connais maintenant ton histoire jusqu’au bout !

Cependant j’ai vu au centre de son cercle le plus sombre la conscience du Sud se faire jour avec netteté dans des yeux purs tournés vers le ciel, dans un cœur chaud et loyal.