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LA VIE DE FAMILLE

amour. Le soir, après dix heures, il s’occupe de la rédaction et des épreuves du magazine jusqu’à minuit. Il n’en trouve pas moins du temps à consacrer à sa famille, à moi, à la vie de société. En vérité, j’admire la facilité de travail si calme de cet homme et son talent de suffire à tout.

Parmi mes plus agréables connaissances ici, est la famille du chargé d’affaires danois, M. de Bille. Ses filles sont des jeunes personnes infiniment gracieuses, pleines d’âme, de vie, et je suis ravie de pouvoir parler ma langue maternelle avec cette famille, parler du Danemark et de mes amis dans ce pays. La mort d’Ochlenschlæger[1] a été pour moi une nouvelle inattendue ; il paraissait si bien portant lorsque je l’ai vu dans sa terre il y a un an. Mademoiselle de Bille m’a lu un morceau que le célèbre poëte s’est fait lire comme préparation à la mort, c’est-à-dire le monologue de Socrate écrit par Ochlenschlæger lui-même, et tout empreint d’un esprit stoïque pur. C’est singulier, cependant, de pouvoir, dans un pareil moment, se faire lire ses propres vers. Notre archevêque Wallin fut d’un autre avis. Quelqu’un ayant commencé, près du lit où il se mourait, à lire l’un des plus beaux psaumes composés par lui, Wallin interrompit le lecteur en disant : « Non, non, pas ceci maintenant ! » et ne trouva de calme qu’en écoutant la lecture de l’Évangile de saint Jean. Mais je voulais te parler de mes connaissances ici.

Parmi mes amis est un couple quaker (un peu mondain), M. et madame Townsend, gens agréables et riches, qui me témoignent infiniment de bonté ; ils me conduisent partout en voiture, dans et hors de la ville. Le foyer pa-

  1. Célèbre poëte danois moderne. (Trad.)