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LA VIE DE FAMILLE

Californie et du territoire neutre du Nouveau-Mexique, Clay montra de la condescendance pour la demande des États du Sud relativement aux esclaves fugitifs, c’est, je présume, par nécessité. Depuis que j’ai vu dans ces États et surtout dans la Caroline du Sud, l’amertume dont ils sont animés au sujet de la conduite et des empiétements des hommes du Nord dans la question de l’esclavage ; depuis que j’ai entendu, et souvent, manifester le vœu d’une séparation d’avec le Nord, désir qui fermente dans ces États et se montre aussi dans le sénat, la condescendance de Clay me semble nécessaire pour éviter la guerre civile. Dans ce moment surtout, les esprits du Sud sont derechef fort irrités par le gain probable que les États du Nord vont faire moyennant l’entrée de la Californie, du Nouveau-Mexique et de l’Utah dans leur groupe. Le bill de Clay s’appuie sur la constitution des États-Unis, qui les oblige à respecter mutuellement leurs lois ; d’après celles des États à esclaves, ces derniers sont la propriété légale des maîtres auxquels ils appartiennent.

Je comprends fort bien l’irritation des abolitionnistes en songeant que leur terre libre ne pourra plus être l’asile des esclaves malheureux, que les trappeurs y auront les coudées franches et seront même assistés par les fonctionnaires publics. Quant à moi, j’aimerais mieux mourir que de livrer un pauvre esclave qui se serait réfugié chez moi. Mais cette condescendance est-elle indispensable pour éviter la guerre civile ? Clay est de cet avis ; Daniel Webster paraît marcher avec lui, tout en ne s’étant pas encore prononcé publiquement à l’égard du bill de compromis. Clay ne l’aurait pas proposé sans la conviction que le compromis demandé serait seulement temporaire, et si son grand cœur, sa perspicacité d’homme d’État, ne l’avait averti qu’on ap-