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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/98

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LA VIE DE FAMILLE

exempt de ce défaut, et il se laisse plus entraîner que Webster par le sentiment.

Quoique le bill de compromis ait pour lui ces deux grands hommes d’État, on croit qu’il sera rejeté, du moins dans sa forme omnibus ; on prétend que c’est déjà chose faite. Clay combat en sa faveur depuis sept mois ; il lutte encore, mais, pour ainsi dire, comme un gladiateur mourant. Cela fait mal, en vérité, de le voir passionné, violent, jeter en arrière, avec ses mains tremblantes, ses doigts si maigres et bleuâtres, les longues touffes de cheveux qui tombent sur son front et que la vivacité de ses mouvements de tête ramènent constamment, tandis qu’il parle ou répond aux attaques dont il est l’objet dans le sénat. Webster est plus beau, plus calme de sa personne, ce qui ne m’empêche pas de voir chez Clay le héros patriotique désireux de faire avancer sa patrie et son peuple sur la route de la liberté, tandis que Webster, avec toute sa beauté, sa puissance oratoire, n’est pour moi qu’un grand crieur de nuit politique, veillant à ce que la constitution ne prenne point feu. Webster est un prédicateur, un homme de l’Union ; c’est un pacificateur, mais il ne régénère pas.

Le 20 juillet.

Je ne puis jamais t’écrire comme je le voudrais, tant mes moments sont pris. La grande question est encore indécise, et les hommes d’État se livrent un combat à mort. Depuis que j’ai vu les luttes personnelles d’ici, rien ne me paraît plus naturel que l’enthousiasme des Américains pour leurs hommes politiques ; car les vertus et le courage des héros sont indispensables dans cette lutte intellectuelle dont le