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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

mendicatis pour les peuples, etc. » Ceci deviendra une vérité prophétique. Jusqu’ici je n’ai rien vu de pareil à l’impression produite par ce discours ; l’effet en a été saisissant, électrique. Pendant que Webster parlait, le plus grand silence régnait ; l’assemblée paraissait retenir sa respiration pour mieux l’entendre ; le tonnerre de l’approbation voulait de temps à autre faire explosion dans la galerie, et le sénateur président était obligé de la rappeler à l’ordre ; il finit par dire énergiquement aux auditeurs des galeries qu’il était défendu d’exprimer l’approbation et la désapprobation. Mais, à chaque éclair nouveau lancé par l’orateur, le tonnerre approbateur grondait, était contenu par le désir de l’écouter. En détournant mon regard de l’assemblée ravie, il se dirigea vers un visage rayonnant d’une joie si chaude et si pure que je ne pus m’empêcher de sympathiser avec lui ; c’était celui de madame Webster, qui s’était évanouie, m’a-t-on dit, la première fois qu’elle avait entendu son mari parler en public. Cependant elle a l’air d’une femme robuste et nullement faible quant aux nerfs.

Il est impossible, en vérité, de se faire une idée trop haute de la puissance de Webster comme orateur, de la beauté classique, de l’énergie de son langage, lors même que les pensées émises par lui manquent de nouveauté et de grandeur, de l’effet produit par la voix profondément intensive avec laquelle il prononce certaines paroles auxquelles il veut donner de la force. Si ce n’est pas, comme on serait tenté de le supposer (tant c’est simple et facile), un don naturel d’une grandeur extraordinaire, ce serait le degré le plus élevé de l’art. En général, les orateurs de ce pays crient trop, ont des gestes trop violents, rugissent quand ils veulent être énergiques. Henry Clay n’est point