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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/106

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LA VIE DE FAMILLE

arbres, des cabanes, et voir comment vivent les gens de la campagne. C’est pourquoi je suis allée m’établir dans le petit enclos de paysans, aux buissons d’oléandres. Madame Baley m’y a fait conduire en voiture et m’a donné l’une de ses négresses pour me servir d’interprète. Cécilia a les plus beaux yeux noirs que j’aie jamais vus dans un visage de couleur sombre (quoique en général les noirs aient de beaux yeux), des dents qui ressemblent à des perles orientales, un maintien calme, doux ; d’une gravité peu ordinaire. Mais la pauvre Cécilia est fort malade, et probablement sans remède, de la poitrine. Madame Baley a voulu lui faire respirer un peu l’air de la campagne. Cécilia, nouvellement mariée à un homme de sa couleur, est heureuse avec lui chez ses maîtres, et vivrait volontiers. Elle exprima mon désir à la fermière, qui déclara sur-le-champ, avec de grands gestes animés, que tout son enclos était à ma disposition. Je me suis établie dans la plus aérée des maisonnettes, elle avait une terrasse de campagne ombragée par un toit couvert en palmes. Le plancher était en terre, et les chambres, bien rangées du reste, avaient des lits faits et passablement propres. Dans la chambre à coucher principale était collé sur le mur un petit tableau colorié représentant la sainte Vierge et l’enfant Jésus, avec une inscription espagnole. J’en demandai l’explication à la bonne fermière, elle me répondit d’un air de componction : « Quiconque achètera une de ces images obtiendra une indulgence de quarante jours. » On avait en effet imprimé sur le tableau que cette indulgence serait accordée à tout fidèle qui ferait un « salut » à Notre-Dame du Rosaire. Cette indulgence de quarante jours était vendue un quart de dollar.

Les pauvres gens de la campagne, à Cuba, ont l’air re-