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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/107

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

marquablement bon et pacifique, ce qui provient sans doute du climat. Les habitants de ma petite demeure champêtre étaient originaires des Canaries, où il est, dit-on, plus difficile pour les pauvres de gagner leur vie qu’à Cuba. Beaucoup de cultivateurs des Canaries viennent donc ici.

Vers dix heures, mon hôtesse monta sur une élévation près de sa demeure et souffla dans un coquillage qui rendit un son aigu longtemps prolongé, signal convenu pour avertir les hommes occupés dans la vallée que le déjeuner était prêt. La table était mise pour sept à huit personnes, sur une terrasse abritée par le toit de palmes de la maisonnette où se trouvait la cuisine. Un perroquet y était aussi dans sa cage en fil de fer. Des pigeons d’un bleu violet s’abattaient çà et là sur le toit. Autour de nous se promenaient des coqs et des poules avec des cous singulièrement de travers ; ils paraissaient estropiés. Des hommes vieux et jeunes, à la physionomie sérieuse, vinrent déjeuner. Le repas se composait de morue salée, de racines de yam, de pain de maïs, de platanos frits (sorte de bananes communes), de lard et d’une espèce de farine jaune clair qu’on servit dans une grande écuelle ; je n’ai pu en savoir le nom ni l’usage, parce que Cécilia parle incomplétement l’anglais. Ce déjeuner abondant était mal accommodé et mal servi. Le dîner se composa aussi de viandes cuites, de haricots bruns et de riz ; mais le tout était si mal préparé, si dur et de si mauvais goût, qu’il me fut impossible de manger ce que la fermière me présentait par assiette comble. Si Cécilia n’avait pas apporté pour moi un peu de riz et quelques pommes de terre (je n’ai pas voulu la charger d’autre chose) qu’elle a fait cuire et que nous avons mangées avec du beurre frais de Matanzas, j’aurais été obligée de