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LA VIE DE FAMILLE

souliers de soie, avec diamants, bijoux en or, fleurs, cou et bras nus, des mantilles noires transparentes, et, au milieu de tout cela, le mouvement des éventails. De très-jeunes filles étaient parées aussi, et les hommes debout, lorgnant les femmes. L’aspect que présentaient celles-ci, de toutes couleurs, parées, à demi voilées et à genoux, formant des masses dans la nef et jusqu’auprès de l’autel, était véritablement joli. Les yeux et les bustes des femmes espagnoles surtout sont d’une beauté remarquable ; mais le manque de gravité de cette réunion était choquant, surtout un jour comme celui-ci, — le jour de la sainte Cène, le jour solennel de l’initiation de l’humanité à une vie plus haute et plus sainte. Je me suis souvenue d’un jeudi saint dans l’église Saint-Jacob, à Stockholm. Il y avait ce qu’on appelle une communion particulière. Les familles, père, mère et enfants, étaient venus se désaltérer ensemble au calice. Je me souviens du silence qui régnait dans cette église remplie de monde !..…..

Il n’y a qu’une voix à Cuba parmi les étrangers de différentes nations qui y sont établis, sur le manque total de vie religieuse dans cette île ; les prêtres vivent dans une opposition publique avec leurs vœux. La vie morale n’est guère plus élevée que la vie religieuse.

« L’amour et la passion ne manquent pas à Cuba, me dit un jeune homme réfléchi établi ici ; mais l’un et l’autre suivent plus souvent le chemin du vice que celui de la vertu. » On adore aveuglément l’argent ; il se fait rarement un mariage sans qu’on l’ait consulté. Les femmes célibataires ne sont guère exemptes de blâme dans leur conduite, et une de mes vieilles amies de la Havane n’y connaissait qu’une célibataire âgée et vertueuse. Parmi les hommes, on n’en trouverait pas un seul de vertueux.