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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/188

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LA VIE DE FAMILLE

amicalement par la main, me firent asseoir entre elles, et continuèrent à fumer avec la gravité espagnole. L’une des reines avait des yeux charmants sous le rapport de la forme et de l’éclat. Sur le mur en face de nous était peint un grand léopard, le symbole de la nation probablement ; il y avait aussi dans la salle quelques images catholiques. J’ai vu ici des bandes entières de femmes se mouvoir dans une espèce de danse comme des grenouilles galvanisées, mais plus lentement. Le corps se courbe et serpente sans idée ni but, à ce qu’il m’a semblé, et paraît exprimer un bien-être animal ; elles avaient l’air aussi de chercher quelque chose dans les ténèbres. On peut dire de ces pauvres nations de la nuit qu’elles cherchent encore — leur vie propre, leur vie au-dessus de la nature.

Elles s’en rapprochent cependant davantage dans les États de l’Amérique du Nord ; je pensais aux réunions de nuit dans les forêts de la Caroline du Sud, aux hymnes mélodieuses qui s’élevaient du camp des nègres !…

Dans un autre cabildo de Gangas j’ai revu cette danse de serpent sans règle, en cercle, en file, exécutée par des hommes et des femmes alternativement. Dans un cabildo de Congos j’ai retrouvé la danse congo telle que je l’avais vue au bohen de Sainte-Amélia, ainsi qu’une autre paraissant être un mélange de la Yuca, danse espagno-créole, et de celle de Congo. Il y a dans ces dernières danses plus de vie évidemment que dans les autres, beaucoup plus d’art et d’esprit poétique. Le symbole peint ici était un grand soleil avec figure humaine ; on y voyait également des tableaux catholiques. Mais l’Africain, quoique converti et véritablement chrétien, conserve encore quelques superstitions et idoles de la patrie. Les nations Congo et Ganga me semblent avoir un caractère bien plus relâché et un