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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/197

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Antonio. Cette femme était blanchisseuse de fin et satisfaite de son sort. Pour le moment elle jouissait d’un dolce far niente ; il en était de même de son mari, qui, ne parlant qu’espagnol, ne pouvait prendre part à notre conversation. Il restait assis et fumait son cigare de l’air le plus satisfait. En voyant des bananiers dans son jardin assez mal soigné, je demandai à la négresse si elle mangeait des bananes à déjeuner. Cette question lui parut des plus amusantes, et, étouffant presque de rire, elle dit qu’il lui fallait du lard grillé et du café pour ce repas ; mais que son mari mangeait des bananes frites.

Je souhaitai une longue vie au vieux couple et continuai à marcher au hasard ; chaque pas augmentait le plaisir que me causait le tableau irrégulier, mais poétique et pittoresque de San Antonio.

Représente-toi les ruines de vieilles et hautes murailles, de portiques, de peintures à fresque, mêlées à de petites maisons blanches ou peintes agréablement, des cabanes d’écorce couvertes en palmes, tout cela pêle-mêle. Une profonde, mais étroite rivière, limpide comme du cristal, avec des bords boisés, et dans cette rivière, des cabanes d’écorces avec toit de palmes ; au-dessus et s’inclinant sur ses bords en pente, des bananiers et des bambous. Entre ceux-ci, des buissons à fleurs rouges et jaunes ; dans la rivière, des jeunes gens et des petits garçons jouant et se baignant ; sur la rivière, de vieux ponts en pierre et en bois avec parapets et piliers peints ; sur les ponts, des surveillants en chemise blanche montés sur des chevaux blancs, avec fontes de pistolets à leur selle et sabre à poignée d’argent au côté. Çà et là, sur les bords verdoyants de l’eau, ou à l’ombre des cocotiers et des bambous, dans les jardins, près des vieux portiques et des murs en ruine, des groupes de femmes