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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/21

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

J’ai visité plusieurs chambres où des femmes accusées de grands crimes étaient détenues en attendant qu’elles en fissent l’aveu. Leurs vêtements annonçaient des moyens beaucoup au-dessus de la pauvreté, mais leur extérieur parlait de l’empire des passions violentes et basses. J’ai remarqué plus spécialement une femme accusée de meurtre (par jalousie) sur la personne de son mari : elle avait un air fort insolent et arrogant. Toutes ces femmes parlaient de leur innocence, se plaignaient de l’injustice des hommes. Elles avaient chacune leur chambre et jouissaient en commun d’une terrasse qui longeait la muraille du côté de la cour. Sur cette terrasse étaient assises ensemble quelques négresses qui se chauffaient au soleil. Leur expression était si bonne, si pacifique, une couple de jeunes filles surtout portaient tellement le sceau de l’innocence et de la bonhomie, que je demandai avec un peu de surprise : « Pourquoi sont-elles ici ? Quel mal ont-elles fait ?

— Aucun, me répondit-on. Leur maître s’est rendu caution pour un homme qui a fait faillite, et, afin que ses créanciers ne lui prissent pas ses esclaves pour les vendre aux enchères, il les a déposés ici jusqu’au moment où il pourra les reprendre.

— Vous voyez, ajouta l’un des magistrats, que c’est afin de les protéger et pour leur bien qu’elles ont été mises ici.

— Combien de temps pourront-elles y rester ? demandai-je en songeant au bien que ces femmes peuvent retirer de leur contact journalier avec les « dames innocentes, » accusées des plus grands crimes.

— Fort peu de temps, quinze jours, au plus trois semaines. »