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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/273

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

Lac Munroe (Floride), le 20 mai.

Je t’écris maintenant du fond de la florissante Floride, en me reposant sur l’un de ces jolis et limpides lacs où les alligators nagent autour de notre petite habitation flottante, bateau à vapeur très-frêle appelé Sarah Spalding. Une guirlande de forêts d’un vert foncé ressemblant à une couronne de myrte entoure le lac paisible. On ne peut distinguer à cette distance les bouquets d’orangers, des palmettes, des forêts de cyprès. La rive est basse, le lac uni comme un miroir ; tout est tranquille autour de nous. Point de villes ni de tours, pas de bateaux à vapeur ni de flottes, pas une créature humaine, nous exceptés. Ici le pays est jeune, presque sauvage encore ; mais je suis ravie de me trouver au centre des déserts poétiques de la Floride, d’avoir vu quelque chose de sa riche et merveilleuse poésie naturelle.

Saint-Mathieu s’est montré charitable à notre égard le 18 ; il a recueilli tous les pauvres naufragés, qui ne souffraient de rien, seulement ils s’ennuyaient de rester immobiles sur un bateau à vapeur et d’être exposés à l’ardeur du soleil. Mais c’était dommage pour notre capitaine et l’équipage, dont plusieurs hommes étaient déjà malades. Le Saint-Mathieu ne s’approcha guère de nous, il nous fit prendre en bateau. Quatre nègres ramaient. Il me semblait que nous marchions bien et sûrement ; mais notre dame dirigeante, connue pour sa philanthropie envers les blancs, fixait un œil rigoureux sur les noirs, et dit au bout d’un moment avec une voix sévère : « Pour-quoi ne ramez-vous pas avec plus de vigueur ? »

Elle ajouta en se tournant vers moi : « On peut voir à