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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

haute société ? Je crois l’avoir déjà parlé de deux dames de Charleston, qui ont été obligées de comparaître devant le tribunal, parce qu’on les accusait d’avoir fait périr des esclaves, l’une par la faim, et l’autre en les frappant. Acquittées par la lâcheté des lois et des juges, elles ont été jugées différemment par l’opinion publique, abandonnées à une solitude infamante et au jugement de Dieu.

Mon ami du Mississipi, cette conscience pure de la Louisiane, s’était exprimé de la même manière que M. Poinsett, et comme pour confirmer cette observation, la Nouvelle-Orléans n’a pas, dans sa chronique criminelle, un nom plus sanglant et plus abhorré que celui — d’une femme, madame Lalloru, née Macharthy. Honneur à la population de cette ville ! Malgré sa richesse, madame Lalloru a été obligée de fuir devant sa fureur. Mais pendant combien de temps n’a-t-elle pas torturé ses victimes ? Des propriétaires d’esclaves avaient maltraité les leurs au moment même de la colère et de la mauvaise humeur. Madame Lalloru, à ce qu’il paraît, maltraitait les siens uniquement pour jouir du plaisir que lui causaient leurs souffrances. Elle possédait une grande plantation et y dominait d’une façon qui souleva enfin ses voisins contre elle ; ils lui signifièrent qu’on ne voulait plus entendre parler d’actes semblables sous peine de la dénoncer. Madame Lalloru vint alors habiter la Nouvelle-Orléans, où elle pouvait s’abandonner plus inaperçue à ses plaisirs particuliers. Elle louait ses esclaves, les obligeait à lui apporter chaque semaine le salaire qu’ils avaient gagné. S’ils n’arrivaient pas à temps, ou si le salaire n’était pas assez considérable, alors malheur à eux. Ses esclaves de maison n’étaient pas mieux partagés ; à la moindre occasion, — elle ne manque jamais à ceux qui veulent en trou-