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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/66

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LA VIE DE FAMILLE

leurs branches, et les collines vertes, charmèrent mes yeux.

De petites barques demi-couvertes, avec des rameurs à physionomies espagnoles, s’approchèrent de notre bateau pour conduire les passagers à terre ; mais on ne permit pas à ceux-ci de débarquer, parce qu’un certain colonel White, qui avait commandé avec Lopez l’expédition de flibustiers de ce dernier contre Cuba, était à bord de notre bateau. L’autorité espagnole de l’île, en ayant été prévenue, avait fait défendre à tous les passagers sans exception de débarquer jusqu’à nouvel ordre. Ceci n’était pas agréable. Quelques-uns de nos messieurs étaient fort irrités et ne souhaitaient pas de bien au colonel White qui, grand et maigre, la figure rouge, avec un nez irlandais, un air indifférent et négligé, fit alors son apparition sur le pont, s’y promena en fumant un cigare, et bravant leurs regards irrités ; il se rendait, disait-on, à Chagres, et de là en Californie.

Nous passâmes six heures à attendre dans le port. La vue du rivage et des objets qu’on y découvrait me semblait ravissante, le temps était divin. On nous avait apporté à bord de grandes grappes de belles bananes dorées. Nos galants cavaliers nous en régalèrent, et je déjeunai délicieusement avec mon fruit favori, aussi bienfaisant pour moi que l’air chaud. On nous donna également des cannes à sucre ; les amateurs les sucèrent. C’était un véritable déjeuner des tropiques fait au soleil dans le port.

Un bateau avec pavillon espagnol et des militaires arriva enfin, ces derniers montèrent à bord. Le colonel White fut pris à part ; on lui demanda sa parole d’honneur qu’il ne débarquerait pas dans l’île et continuerait son voyage vers Chagres sans quitter le bateau à vapeur où il se trouvait. Je vis plusieurs de ces officiers lancer au chef de flibustiers