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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/67

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

des regards qu’on aurait dit armés de poignards espagnols.

Les militaires s’éloignèrent, et nous pûmes débarquer. Quelques passagers bienveillants m’aidèrent à prendre terre ; cette assistance m’était nécessaire, car je n’ai jamais rencontré d’aussi grandes difficultés pour débarquer. Je fus reçue par un maître d’hôtel américain, M. Woolcott, qui me conduisit, avec mes effets, de la douane à son hôtel, où il avait promis à notre honnête capitaine du Philadelphie de m’établir « confortablement ; » j’y fus bientôt assise dans une salle claire, pavée en marbre, à une table servie avec recherche et en grande compagnie, tandis qu’un air délicieux et la lumière entraient à flots par les portes et les fenêtres, car on ne craint pas à Cuba la lumière du soleil.

Voici le sixième jour que j’habite cet hôtel, très-bon, mais fort cher. Je paye cinq dollars par jour pour le vivre et une petite chambre ; sous peu j’en donnerai six, ou bien il me faudra partager ma chambre avec une voyageuse inconnue, car on attend un bateau à vapeur de la Nouvelle-Orléans avec des passagers. Je me suis donc mise en recherche d’un autre gîte ; mais ce n’est pas facile ici comme dans l’Amérique du Nord. Des personnes bienveillantes, des Allemands, des Anglais, des Américains, se sont chargés du soin de m’établir d’une manière agréable, et, grâce à eux, j’irai habiter demain, en attendant et pour quelques jours, dans une famille à la campagne, près du jardin de l’évêque, où je pourrai faire connaissance en toute liberté avec les arbres et les fleurs de Cuba.

Voici comment j’ai passé mes journées jusqu’ici : À huit heures du matin, madame Mary, la meilleure femme qu’on puisse imaginer, entre dans ma chambre avec une tasse de café et un petit pain de froment des plus appé-