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Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 3.djvu/89

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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

j’ai vues, surtout en Angleterre et dans l’Amérique du Nord.

La lune brille dans ce moment et me force à admirer sa clarté et sa transparence. Notre clair de lune en Suède est aussi beau qu’ici, mais il a une couleur plus froide et bleuâtre. Sa lumière, à Cuba, est jaune clair et me semble rosée. Ici le clair de lune est considéré comme dangereux, on ne sort pas volontiers tête nue quand il en fait.

J’ai assisté une couple de fois avec M. et madame Tolmé à la musique de la Place d’Armes. Des femmes élégantes, avec de légères mantilles sur leur tête parée de fleurs, se promenaient en rond avec de galants cavaliers sous les magnifiques palmiers royaux, ou bien étaient assises sur les bancs de marbre en causant, tandis que les musiciens jouaient des contredanses de Cuba ou des marches et des morceaux d’opéra. Il est impossible de se représenter une plus belle salle de fête que cette place avec ses palmiers et ses palais, éclairés par la lune de Cuba et sous son doux ciel rayonnant. J’ai vu aussi de jolis visages, de jolis costumes romantiques. Le voile espagnol transparent est, comme la lune, un talisman qui cache la laideur et relève la beauté par son demi-jour mystérieux.

Mes hôtes m’ont conduite en voiture, dans un village ou bourg appelé Guanavacoa, le plus ancien de l’ile, dit-on ; ils conserve encore des souvenirs des premiers indigènes « les doux et paisibles Indiens » qui habitaient Cuba à l’époque de l’arrivée des Espagnols. C’est encore une particularité de Cuba que ces indigènes doux comme son climat, lequel exerce aujourd’hui encore son pouvoir enchanteur sur ses habitants. Il donne aux créoles de la douceur et de la bonté ; pas une plante, un animal n’est venimeux dans l’île ; les abeilles de Cuba n’ont pas de venin dans leur aiguillon. La conduite barbare des Espagnols dans cette île