Page:Breton - Un peintre paysan, 1896.djvu/200

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poète des Trophées nous invita, ensemble, à l’un de ses dîners du mercredi.

J’allai donc voir l’astre que j’entrevoyais dans un ciel inaccessible.

Eh bien ! la présentation fut absolument cordiale.

Le grand poète comprit de suite toute la sincérité de la profonde admiration que je lui exprimai, plus par mes regards que par mes paroles, et, malgré son air imposant, il fut au fond si plein de bienveillance, que j’éprouvai subitement pour lui une réelle affection dégagée de toute timidité.

Je crois d’ailleurs à l’indulgence des forts.

Jamais je n’ai ressenti la moindre gêne, alors ni depuis, dans le commerce de cet homme d’un superbe génie, moi qui suis souvent timide au milieu des gens ordinaires.

Leconte de Lisle avait le front large et haut, admirablement pur de plans ; les sourcils, sur de profondes arcades, s’inclinaient pensivement. légèrement froncés dans une observation lucide, vers la racine du nez au contour simple et noble, nez d’ancien évêque. Sa bouche, un peu rentrante, mais bien arquée, les coins abaissés, se retroussait souvent dans une expression de fine ironie.

Il avait l’œil absolument beau, bon pour ses amis ; extraordinairement expressif, voilé par-