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Page:Bringer - Le Mystère du B 14, 1927.djvu/18

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16
le mystère du b 14
assis dans le bureau du banquier, ce matin

vous avez reçu la visite d’un homme à qui vous avez prêté, paraît-il, mille francs !

— En effet !

Pourriez-vous me dire si vous connaissez cet homme ?

— Nullement ! Je ne l’avais jamais vu de ma vie !

— Alors…

M. Coconaz sourit :

— Oui, cela paraît invraisemblable. C’est la chose la plus simple du monde. Vous allez voir : cet homme est venu et m’a dit : « Monsieur, connaissez-vous M. Cazeneuve, banquier, rue Saint-Marc ? — C’est mon correspondant parisien, ai-je répondu ! — All right, a fait l’homme, qui est Anglais. En ce cas, voulez-vous me permettre de lui téléphoner. — Volontiers. »

J’ai moi-même demandé la communication ; remarquez ce détail : comme à cette heure, les lignes ne sont pas encombrées, je l’ai eue tout de suite ; M. Cazeneuve, dont je connais la voix, m’a répondu ; j’en suis certain, car nous avons dit deux mots d’une petite affaire en cours ; alors j’ai passé la communication à mon inconnu.

Je ne pourrais vous répéter ce qui s’est dit, car la conversation a eu lieu en anglais, et je ne comprends pas cette langue. Au bout de deux minutes, l’homme m’a passé à son tour l’appareil, et Cazeneuve m’a dit textuellement :

— Veuillez, je vous prie, remettre cinquante louis au gentleman qui est chez vous à cette heure… Vous les porterez à mon compte, et pour que je m’en souvienne, vous mettrez à côté la mention : Affaire du Poignard de cristal…

À ces mots, Rosic bondit :

— Vous êtes sûr de ces trois mots : Poignard de cristal ?

— Cela m’a un peu étonné, et j’en suis d’autant plus sûr que je l’ai fait répéter à M. Cazeneuve.

— Ce Cazeneuve serait donc un complice ?

— De quoi ?

— Mais… d’un crime qui a été commis dans le B-14, et dont l’assassin n’est autre que l’homme que vous avez reçu ce matin…

À cette déclaration, M. Coconaz éclata de rire.

— Les Cazeneuve, fit-il, sont aussi connus à Paris que je puis l’être à Viviers ; ils sont banquiers de père en fils depuis plus de cent ans et possèdent quelque chose comme quatre ou cinq cents millions de fortune… Vous ferez difficilement croire qu’ils ont assassiné un homme dans un train !

Rosic se mordit les lèvres.

— Alors, c’est que votre visiteur s’est joué de M. Cazeneuve.

— Je ne le pense pas…

— Pourtant, puisque cet homme a assassiné…

— En êtes-vous sûr ?

— Jugez vous-même…

Et il fit part à M. Coconaz de l’affaire dans ses plus minimes détails.

— Oui…, fit M. Coconaz… oui… mais… Et il y eut dans ce mais une telle ironie, un tel doute pour le flair des policiers que Rosic prit congé, saluant à peine le banquier.


vii

la tête coupée et le veston volé



Rosic et Lahuche déjeunèrent à l’Hôtel du Soleil d’Or, respectueusement servis par Noré, qui n’était pas encore revenu de son émotion de tout à l’heure.

Rosic avait téléphoné à ses hommes, à Lyon ; il leur avait donné le signalement de l’assassin qui devait être cueilli à sa descente du train ; il était donc tranquille, de ce côté.

Il avait fait part à Lahuche de sa conversation avec M. Coconaz, et Lahuche avait hoché la tête :

— Vous croyez toujours à la culpabilité de cet inconnu ?

— Plus que jamais !

— Pourtant…

— Ce ne peut être que lui !… Voyons, il a avoué lui-même être tombé du B-14. Dans ce train, il y a un cadavre ! N’est-ce pas là une corrélation éclatante ? Et le Poignard de cristal, hein ! que faites-vous du Poignard de Cristal ! Cet homme écrit un mot où il met : Rappelez-vous du Poignard de Cristal. On lui avance mille francs, dans des conditions particulières, et le Poignard de Cristal revient là. Enfin, près de l’assassiné on trouve l’instrument du crime et cet instrument, qu’est-ce ? Un poignard de cristal !

Cela crève les yeux !