papiers vont sûrement nous donner la clef de l’énigme…
— Voyons toujours le cadavre…
Le chef de gare conduisit M. Chaulvet, Rosic et le contrôleur qui tombait de sommeil jusqu’à ce dortoir des mécaniciens qui se trouvait à l’autre bout du quai…
Le corps était étendu sur une couchette, une serviette couvrait sa tête ; d’un geste vif Rosic l’écarta, tout en disant au contrôleur :
— Reconnaissez-vous l’un de vos voyageurs ?
Mais il ne put achever cette phrase et, en même temps que M. Chaulvet et le contrôleur, il poussa un cri d’effroi… la tête n’était plus qu’une bouillie sanglante, où il était bien difficile de distinguer le moindre trait…
— Oui, expliqua le chef de gare… En sautant du 234, il a dû buter contre le rail… à ce moment le train-poste passait à toute vapeur et la tête a été complètement écrasée…
— Comment voulez-vous que je reconnaisse… marmonna le contrôleur, qui ne pensait qu’à une seule chose : aller se coucher…
— Heureusement, fit Rosic, il nous reste les papiers… Où est la valise…
— Chez M. le commissaire de surveillance.
— C’est bien, fit Rosic… je vais l’emporter à Lyon pour en faire traduire les papiers…
Et, suivi de M. Chaulvet, il se dirigea vers le cabinet du commissaire de surveillance. Le contrôleur, prudemment, s’était éclipsé, et, sorti de la gare, trébuchant de sommeil, il était en quête d’un lit, la seule chose qui lui importât à cette heure.
Le commissaire de surveillance, effaré de recevoir dans son bureau le procureur de la République de Valence et le chef de la Sûreté lyonnaise, balbutiait des mots sans suite, se demandant, dans son for intérieur, pourquoi l’écrasement d’un voyageur demandait un tel déploiement d’autorités supérieures.
Mais Rosic avait ouvert la valise.
Comme l’avait dit le chef de gare, elle ne contenait que quelques liasses de papiers, qui devaient être fort importants à en juger par les nombreux cachets, sceaux et signatures qui les couvraient, mais où il était impossible de distinguer un traître mot. En plus les objets de toilette portant ces initiales : W. B., en or, sur les manches d’ivoire des peignes, brosses et autres objets…
Mais à ce moment un employé apparut dans le bureau du commissaire, disant :
— Monsieur le procureur de la République de Valence…
— C’est moi, fit M. Chaulvet… Qu’y a-t-il ?
— Monsieur le procureur, une dépêche…
— Donnez.
M. Chaulvet prit le papier, le lut, et :
— Voici du moins les noms des deux voyageurs qui ont pris place dans le B-14. J’avais télégraphié à Marseille, au bureau des sleepings. L’un se nommait Joé Wistler…
— J. W., fit M. Rosic, les initiales de la valise trouvée dans le B-14 à Valence… c’est le nom de la victime.
— L’autre William Ralph Burnt…
— Voici sa valise et voici son cadavre… c’est l’assassin…
— Oui, fit M. Chaulvet… Mais nous voilà bien avancés…
— Bah !… conclut philosophiquement Rosic… laissez-moi emporter ces papiers… j’ai quelqu’un à Lyon qui va me traduire ça à première vue… et c’est bien le diable si dans ces papiers nous ne trouvons pas la clef de ce problème…
— En attendant, fit M. Chaulvet, que toute cette aventure obsédait… allons dîner, car je meurs de faim…
Il pouvait être, en effet, huit heures du soir, et c’était bien l’heure de se mettre à table, après une journée aussi émouvante…
ix
le détective américain
près avoir délectablement dîné au
buffet de Saint-Robert, Rosic, ayant
serré la main à M. Chaulvet, était
monté dans l’express de neuf heures
trente-cinq, s’était commodément installé dans
un compartiment de première vide et, la précieuse
valise à ses côtés, il songeait qu’en
somme il n’avait pas perdu son temps.
Certes, le mystère demeurait aussi obscur.
L’assassin, qui se nommait William Ralph Burnt, et qui avait été tué à Saint-Rambert, malgré toutes ses précautions, ne pourrait garder son secret, grâce aux papiers contenus dans la valise, et que Gladys, l’institutrice de sa fille, allait lui traduire ce soir même.
Il allait donc savoir pourquoi ce W. R. Burnt avait tué son compatriote Joé Wistler, et aussi quel était ce complice qui avait sauté