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le mystère du b 14
Dans la valise, au lieu des papiers qu’il

avait vus à la gare de Saint-Rambert, il n’y avait qu’un paquet de journaux et quatre ou cinq cailloux…

D’abord, Rosic se crut le jouet de quelque hallucination. Il se frotta les yeux… Ce n’était pas possible…

Il prit la valise, en secoua le contenu sur la table, et dut se rendre à la cruelle évidence… il n’y avait que cinq cailloux, ramassés sans doute sur la voie du chemin de fer, car ils étaient noirs de goudron et de cambouis, et un gros paquet de journaux grossièrement ficelés…

Rosic dut s’asseoir, tant l’étonnement lui coupait bras et jambes…

D’abord, il ne comprit pas… S’était-il trompé de valise… Mais non… Alors, on la lui avait volée, la vraie… Qui ? Il ne l’avait pas quittée d’une seconde.

Et un horrible soupçon effleura son esprit… Si c’était le détective américain… Mais alors. Ce T. D. Shap n’était pas T. D. Shap…

Mais à quel moment le détective américain lui aurait-il volé sa valise ?

Voyons… L’homme était monté dans le wagon, il s’était assis à ses côtés, la valise entre eux, et il se souvenait, quand l’homme avait apparu dans le compartiment il avait les mains ballantes, il n’avait pas de valise… et la valise, celle aux documents n’avait pas été remuée…

Depuis Saint-Rambert jusqu’à Lyon, Rosic n’avait pas bougé, non plus d’ailleurs que le détective… ils avaient causé sans changer de place, jusqu’à l’arrivée du train, et pas une seconde Rosic n’avait quitté le wagon, et tout le long du trajet, il avait eu le bras appuyé sur la valise…

Alors !…

C’était avant qu’avait dû se faire la substitution, et il était fou d’accuser ce T. D. Shap.

Mais, avant, la valise était enfermée dans le coffre-fort du bureau du commissaire de surveillance… Il n’était allé la reprendre qu’au moment du départ… Il voyait encore le commissaire de surveillance ouvrant son coffre-fort, lui remettant la valise, et même, oui, à ce moment, il l’avait ouverte, et il avait vu les papiers, dans leurs chemises, ficelés avec une courroie de cuir… Et il avait pris la valise et il était monté dans son compartiment, et il ne l’avait plus lâchée…

Non… c’était bien dans le train… c’était bien ce détective…

Mais comment ?… À quel moment ?…

Et, la tête dans ses mains, pensant devenir fou, Rosic songeait.

Tout à coup, il eut un cri… Il se souvenait… En arrivant en gare de Lyon, Rosic s’était levé, et T. D. Shap, en un geste tout naturel, avait pris la valise pour la lui faire tenir… Le temps de descendre de wagon… combien ? Un dixième de seconde ! Il s’était retourné, et T. D. Shap lui avait tendu la valise.

Était-il possible que, dans ce court espace, le détective ait eu le temps de changer de valise… Où aurait-il pris l’autre ? Il était venu dans le compartiment les mains vides…

Et pourtant, le fait était là… la valise avait été troquée, et matériellement une seule personne avait pu opérer ce troc, et c’était ce détective…

— Voyons… voyons…, fit Rosic à voix haute… Du calme… Réfléchissons…

Pourquoi ce détective m’aurait-il volé cette valise ? Il faudrait supposer alors que ce T. D. Shap n’était pas T. D. Shap, qui était-il ?

Qui avait intérêt à avoir cette valise ?…

Parbleu, celui à qui elle appartenait véritablement, c’est-à-dire W. R. Burnt !

Si ce Shap n’était, autre que Burnt…

Parbleu… c’était lui !

Et se tapant la tête de ses deux mains, Rosic criait.

— Imbécile… idiot que je suis… Comment ne l’ai-je pas deviné… Qui pouvait connaître si bien tous les détails de cette affaire, sinon Burnt lui-même… Et moi, stupide, qui admirais la supériorité de déduction de ce fameux détective… Beau mérite… Il m’a joué… Il s’est payé ma tête… Ah !… Il doit bien rire à cette heure !

Mais en son for intérieur, quand même, Rosic ne pouvait s’empêcher d’admirer la manière de ce Burnt… Rudement fort, ce gentleman… La façon dont il avait repris sa veste, à l’hôpital de Valence, n’était qu’un jeu d’enfant à côté de la maestria avec laquelle il était entré en possession de sa valise…

Comment avait-il opéré ?

Rosic ne s’en rendait nullement compte…

Et il se reprit à douter…

Mais non… Seul Burnt avait intérêt à reprendre cette valise… Donc, c’était lui…

Ah !… les documents qu’elle contenait devaient être d’importance… et, aussi, d’une essence toute particulière…

Car, enfin, il était si simple de se faire connaître… de venir dire à la justice :

— C’est moi W. R. Burnt… Cette valise m’appartient… Rendez-la-moi…

Non… Il ne voulait pas mettre la police dans ses affaires…

Pourquoi ?

Et Rosic tressaillit, car cette idée venait