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le mystère du b 14
nalité, et à cette heure, de sens rassis, je comprends

la faute que j’ai commise. Mais il est trop tard… Révéler la vérité, à cette heure, risquerait de m’aliéner la confiance de celle qui m’est plus chère que tout… Mais s’il m’arrivait malheur, c’est vous, mon cher Will, qui devrez lui apprendre qu’elle est véritablement lady Hyton, marquise Westbury, comtesse de Bornstaple, et seigneur de cent autres lieux et surtout héritière de la formidable fortune de lord Hyton, son vénérable beau-père… Je compte donc sur vous, mon cher Will, car si vous ne vous occupiez, point de cette chose, ma chère femme et ma mignonne petite fille seraient, moi mort, dans la plus grande misère… Je vous laisse tous les papiers qui prouveront qui je suis, et feront valoir ma femme et ma fille dans l’héritage à quoi, le cas échéant, elles ont droit… »

Et voilà… Quand j’arrivai à Singapour, Bob était mort depuis sept ou huit ans, rapidement emporté par une terrible maladie, et quant à sa femme et à sa fille, on ne savait ce qu’elles étaient devenues…

Là-bas, à Londres, lord Hyton était mort également, et son immense fortune comme tous ses titres étaient échus à son neveu Bradfort. Je connaissais ce Bradfort… C’était un bien vilain personnage… Il était le fils d’une sœur de lord Hyton qui s’était honteusement mésalliée avec un lad d’écurie et, de ce fait, avait été repoussée par sa famille… Mais la loi est la loi, et Bradfort était le neveu de lord Hyton et son unique héritier, puisque mon pauvre Bob était mort, et que son mariage avec la jolie demoiselle Doux était ignoré de tout le monde, hormis de moi… Et il me vint ce soupçon… Qui sait si Bradfort n’était point pour quelque chose dans la mort de mon damné pauvre Bob. J’enquêtai discrètement… mais mes soupçons étaient vains… Bob était bien mort d’une mauvaise fièvre… Mais, tout en faisant cette enquête, je ne fus pas sans apprendre qu’un soldat, qui avait été au service de Bob, se trouvait actuellement en Angleterre, à côté de lord Bradfort, et cela m’ouvrit de sinistres horizons.

Oui, car j’avais les plus mauvais renseignements sur ce Joé Wistler, qui avait assisté son maître dans ses derniers moments, et je me demandais si du moins ce n’était pas lui qui avait fait disparaître la fille et la femme de mon vieux camarade Bob, qui, d’après la loi anglaise, étaient les seuls héritiers de lord Hyton…

Et, sur ce point, je ne me trompais pas, car je finis par apprendre que c’était ce Joé Wistler qui, sous je ne sais quel prétexte, peut-être en lui révélant la vérité, ce qui était somme toute le plus habile, avait amené la femme et la fille de mon pauvre Bob dans la métropole et, sur le bateau, s’était débarrassé de la pauvre demoiselle Doux…

Mais qu’était devenue la fillette ?

Sans aucun doute, l’avait-il assassinée également, afin d’ouvrir largement la route de la pairie et de la fortune à son nouveau maître Bradfort…

Et je me désespérais, et je maudissais le destin qui m’avait, tenu éloigné du lit de mort de mon ami et m’avait empêché de veiller sur sa femme et sa fille…

Mais, sur ce sujet encore, je me trompais, et j’en acquis bientôt la preuve irréfutable. En effet, comme je me préparais à revenir en Europe, pour remettre à la Chambre des Pairs les papiers légués par mon pauvre Bob, et si je n’avais pu prévenir les meurtres, du moins afin de faire châtier les coupables, je faillis être la victime d’un affreux guet-apens d’où je me tirai par un hasard providentiel, et quel était l’organisateur de cette tentative criminelle contre moi ? Joé Wistler qui, tout à coup, venait de reparaître aux Indes…

Du moment, n’est-ce pas, que Joé Wistler cherchait à empêcher mon départ des Indes, c’est que la fille de mon pauvre Bob vivait encore, c’est qu’ils craignaient que je la fasse remettre en possession de son héritage…

Cela était clair, n’est-ce pas, Monsieur Rosic, et dans de telles circonstances, vous-même n’auriez pas raisonné autrement…

Et je m’embarquai, et je remarquai que Joé Wistler s’embarquait avec moi…

Mais j’avais la supériorité sur lui, car, s’il connaissait mes projets, j’avais également percé les siens, et cela, il ne pouvait le savoir et il pensait bien que je ne me méfiais pas de lui…

Vous dire ce que fut ce voyage, vous le devinez… Joé ne me quittait guère d’une semelle, cherchant l’occasion de se débarrasser de moi… Je fus en butte à d’innombrables accidents qui surprenaient mes compagnons de voyage… Tout à coup, le bastingage auquel je m’appuyais cédait sous moi… des prélarts me tombaient comme par hasard sur la tête… Je manquai d’être asphyxié dans ma cabine… Une tasse de chocolat que l’on m’offrait contenait un poison violent… Je ne saurais tout vous dire…

Mais je sus éviter toutes ces embûches et tout de même arrivai sans encombre à Marseille,

où je pris place dans ce fameux B-14…