Page:Bringer - Le Mystère du B 14, 1927.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
le mystère du b 14

Là-bas, deux wagons après le mien, je savais que Joé Wistler veillait, et à chaque minute je m’attendais à le voir apparaître. Mais j’étais sur mes gardes… Je veillais sur la porte du couloir… mais pas assez sur celle qui ouvrait sur les w.-c., car c’est de là que bondit sur moi notre vieil ami Barnabé.

Quand je m’éveillai, dans la maison de ce garde-ligne, je ne doutai point d’abord que j’avais été assassiné par Joé… Mais les souvenirs me revinrent en foule… Je devinai la vérité et l’aventure de ce fâcheux Barnabé…

Que faire ?

Barnabé m’avait revêtu de ses habits pour prendre les miens et n’avait pas oublié son portefeuille dans sa poche, de telle sorte que je me trouvais sans un sou vaillant… Tout d’abord il me fallait de l’argent et c’est alors que je courus à Viviers, où je pus une procurer mille francs grâce à ce poignard de cristal qui vous intrigua tant… C’est là que j’appris que Barnabé avait été assassiné, le pauvre garçon qui ne se tenait pas sur ses gardes, lui, et je songeai tout de suite que mon portefeuille, contenant des papiers fort précieux, devait se trouver sur le cadavre de l’homme assassiné…

Voler mon veston fut l’affaire d’un instant… et je n’en tire aucune vanité… car j’ai fait mieux, Monsieur Rosic. Je vous en demande mille pardons, mais il me semble que même à vos yeux j’eus plus de mérite à vous voler votre valise…

Vous avez compris comment la chose put se faire ?

À Valence, où je ne vous quittai guère d’une semelle, j’appris que Joé s’était sottement fait tuer à Saint-Rambert, et que mes papiers étaient donc entre les mains de la justice…

C’était parfait, dites-vous ? Non… La justice allait sûrement parler de ces papiers, et là-bas à Londres Bradfort allait apprendre toute la vérité… Il ne le fallait pas… avant du moins que j’eusse vu ce Bradfort… Et vous allez comprendre pourquoi.

Seul Bradfort pouvait me donner l’adresse de la fille de mon ami Bob… car, lui, sûrement, savait où elle se trouvait… Il fallait donc, pour que réussît mon plan, que ce fût moi qui lui annonçasse la chose, afin de profiter de son désarroi et il fallait également que le récit de l’affaire eût paru dans un journal afin que je pusse répondre à Bradfort que c’était par le récit de ce journal que je connaissais toute l’aventure…

Voilà pourquoi, Monsieur Rosic, je me suis permis de vous voler ma propre valise et pourquoi j’ai raconté le crime du B-14 dans ses moindres détails, à ce journaliste qui en a fait son profit…

Et maintenant, cher Monsieur Rosic, vous m’excuserez de vous avoir un peu joué.

Pour toute réponse, Rosic tendit sa main à W. R. Burnt, disant :

— Monsieur, vous avez accompli de telles choses que, franchement, je ne saurais vous garder rancune…

Puis :

— Mais l’adresse de cette jeune fille, du moins ayez-vous pu l’avoir…

Burnt se mit à rire :

— Pas sans peine…

— Ah !

— Il m’a fallu aller à Londres voir Bradfort…

— Et ce Bradfort a consenti…

— Oui… sur la promesse que moyennant quatre mille guinées, je ferais disparaître la jeune fille… Et il m’a donné son adresse, et vous voyez, cher monsieur, que je me rends à Lyon pour remplir cette mission…

— Quoi… vous…

— Oui… et j’espère, Monsieur Rosic, que vous voudrez bien m’aider à assassiner cette pauvre enfant…


xv

la fille de bob



Rosic était rentré dans sa petite villa des coteaux de Sainte-Foy.

Rosic avait embrassé sa fille, Rosic avait embrassé Gladys, l’amie et le chaperon de sa fille, Rosic avait voluptueusement chaussé ses pantoufles, et Rosic, enfin s’était attablé, entre sa fille et Gladys, dans la petite salle à manger de la villa, devant un de ces bons pots-au-feu à la lyonnaise qui fleurent si bon la vieille cuisine française.

— Ouf ! mes enfants… qu’on est bien chez soi… Surtout quand, durant quatre jours, on n’a pas eu le temps de dormir une demi-heure et qu’on n’a fait que sauter d’un train pour monter dans une auto… Ah ! fichu métier !…

— Mais papa, fit Mlle Rosic, pourquoi ne prenez-vous pas votre retraite ? N’estimez, vous pas que vous avez assez travaillé et que. vous avez acquis le droit de vous reposer ?…

— Oui-dà, répondit Rosic, et si j’avais assez de fortune…