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le mystère du b 14

Et il poussa un soupir de soulagement.

Dans la bibliothèque il trouva W.-R. Burnt qui s’était fait passer auprès du lord comme un ami de ce pauvre Joé Wistler :

— Eh bien !…

— Ah ! milord !…

— Quoi ?

— Nous jouons de malheur…

— Cette fille ?

— Rien à faire… Je serais allé la chercher chez le diable, mais non où elle était..

— Où ?

— Chez un certain M. Rosic, qui n’est rien moins que le chef de la Sûreté de Lyon…

— Alors ?

— Dame…

— Elle vit encore…

— Pensez… chez le chef de la Sûreté…

— Damné boy !… crie Bradfort, qui devint soudain pâle comme un mort…

Il songea un instant, puis :

— Et les papiers ?

— Entre les mains de la justice française…

— Et alors ?

— Dame, milord… Ces papiers sont fort explicites… Tous les actes d’identité de votre cousin Robert… l’acte de mariage avec cette demoiselle Doux… l’extrait de naissance de cette petite miss… Mauvaise affaire… Sûrement, la justice va communiquer ces documents à l’ambassade, qui les fera parvenir à la mairie… et alors… comme sir Robert, marquis de Westbury, hérite de son père, et qu’il laisse une fille légitime… dame… vous voilà dépouillé…

— Malédiction…

— Oui… Et cela ne serait rien… Mais cette affaire du B-14 a fait un bruit énorme… Il y a eu là un policier auprès duquel notre Sherlok Holmès n’est qu’un petit garçon… et W.-R. Burnt n’est pas mort…

— Comment ?… Joé ne l’a pas assassiné ?

— Hélas !… il s’est trompé… Lisez le Times, milord, et vous y verrez tout au long les détails de cette étrange affaire… Damné Rosic… Justement celui chez qui est cette petite miss… Alors, dame… Burnt va parler… On saura qui a assassiné la jeune femme de Robert… on saura… oui… et non seulement milord sera dépouillé de tous ses biens… mais, fort probablement, par surcroît, milord sera-t-il pendu…

— Pendu, moi… un lord… un pair d’Angleterre ?… vous voulez rire…

— Hélas… non… milord, puisque la fille de ce Robert est encore vivante, n’est plus ni lord ni pair, et alors…

Bradfort devint livide.

— Que me conseillez-vous ?

— Je suis une si petite chose…

— Parlez…

— Ma foi… moi… à la place de milord… je n’attendrai pas la potence…

— Vous fuiriez ?

— Où ?… La main de la justice est longue et le monde est si petit… et d’ailleurs, que ferait milord poursuivi par cette fâcheuse histoire ?

— Alors ?

— Dame…

Et alors Burnt, car c’était lui, eut un geste fort significatif…

Bradfort songea.

Déjà, il n’avait plus l’air que d’un cadavre.

— Bien ! fit-il… Adieu !

Et il congédia celui qu’il prenait pour l’ami de Joé.

Et, le lendemain, dans tous les journaux, on apprit que lord Bradfort, dans une crise de neurasthénie dont il souffrait depuis longtemps, s’était coupé la gorge.

Ainsi Burnt venait d’éviter tout scandale.

L’affaire du B-14 eut un retentissement mondial.

Toute la gloire revint à Rosic, qui avait su débrouiller si habilement les fils enchevêtrés de cette mystérieuse histoire et il se fit du coup une réputation de policier extraordinaire, éclipsant tous ses devanciers.

Mais il jugea modestement qu’il ne pourrait jamais faire mieux et il décida de prendre sa retraite après ce coup si glorieux…

Gladys était entrée en possession de son fabuleux héritage.

Elle s’était installée à Putney dans ce superbe château qui avait appartenu à son grand-père, lord Hyton, et où son cousin Bradfort avait fini ses jours, mais bien longtemps avant le terme que le destin lui avait, assigné, si cette affaire ne s’était pas produite.

— Vous ne me quitterez jamais… avait-elle dit à W.-R. Burnt.

Et W.-R. Burnt avait promis, disant :

— Ma chère enfant, je remplacerai auprès de vous le père que vous n’avez pas connu.

Mais au bout d’une semaine, il commença à bâiller… Au bout d’un mois, il fut malade, et six semaines ne s’étaient pas écoulées qu’il comprenait qu’après avoir passé dix ans de sa vie sur les hauts plateaux du Kachmir,

la vie londonienne était sans charmes.