Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/122

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guerre, et, pour se reposer, homme de lettres. Il mène de front les affaires, le plaisir ; il a son cabinet à Versailles et sa petite maison dans les faubourgs de Paris ; il suffit à des occupations qui tueraient trois hommes ordinaires. Et il n’en paraît pas fatigué : il garde jusqu’à l’extrême vieillesse la taille fine, l’œil conquérant, et il éblouit par ses manières aisées et par la variété de ses connaissances, ces messieurs de l’Académie française, dont il n’a pas dédaigné de devenir le confrère…


Je suis venu trop tard dans un siècle trop vieux.


Il a dû quelquefois répéter, à part lui, ce vers qu’il aurait pu prendre comme devise. Ce n’est pas qu’à un certain point de vue il ait lieu de se plaindre. Il est arrivé au niveau le plus élevé de sa profession. Il gagne avec sa plume des émoluments de fermier général. Sa carrière s’est déroulée sans accident ; et, dès l’heure du début, il eut l’estime de ses pairs et la faveur du public.

Après avoir suivi en Italie la bannière de Garibaldi, il rentra en France, et tout de suite le Courrier du Dimanche et les journaux indépendants imprimèrent sa prose. Quand la République fut proclamée, il se fit nommer directeur de la presse au ministère de l’intérieur, puis préfet. Aujourd’hui, on s’arrache sa collaboration. Les tribunes les plus retentissantes lui sont ouvertes. Il eut le caprice de s’approcher d’une autre tribune : les électeurs de