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M. JEAN RAMEAU


La première fois que nous vîmes M. Jean Rameau, c’était au cours d’une représentation que l’on avait organisée en l’hôtel du Lion d’Or, à Paris. Des musiciens, des poètes y interprétaient leurs œuvres. Quelques chansonniers, accourus des brasseries de la rive gauche, y firent entendre leurs récentes productions. Puis ce fut une chanteuse « fin de siècle », gantée de noir, sur le modèle d’Yvette Guilbert ; puis Yann Nibor, le barde des matelots. Yann Nibor venait d’entonner la complainte de l’Hella, et de terroriser le public avec son tragique récit des Albatros, quand un jeune homme à la chevelure frisée parut sur l’estrade. Il avait la démarche légèrement hésitante, des yeux bleus et un peu vagues, où luisait par instants comme un rayon de folie… Il commença… Sa voix était harmonieuse et son geste caressant. Il ne déclamait pas ses vers, il les modulait ; il trouvait des inflexions berceuses, qui son-