Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/27

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ce qui ne veut pas dire qu’elle soit dénuée de prétention. Il s’en exhale une impression de vulgarité qui est due, je pense, à deux causes : 1° M. Ohnet fait un abus considérable des locutions éculées par l’usage, de ce qu’on nomme familièrement, les clichés ; 2° il est attiré par une inconcevable prédilection vers le mot banal et inexpressif. Ayant à rendre l’aspect d’un objet, Alphonse Daudet et Théophile Gautier choisiront l’épithète la plus colorée. M. Ohnet prendra — d’instinct — l’épithète la plus vague. Supposons qu’il ait le dessein de rendre l’atmosphère d’une réunion mondaine, d’un « bal aristocratique », et écoutons-le : « La fête du comte Worézeff avait tenu ses promesses. Dans le hall de l’hôtel des Champs-Elysées féeriquement éclairé, une foule animée et joyeuse circulait dans une atmosphère enivrante, faite du parfum des fleurs et de la capiteuse odeur des femmes... Des couples dansaient au son d’une musique entraînante, qu’un orchestre laissait tomber en ondes sonores... Des éclats de rire perlés résonnaient, fanfare joyeuse de cette nuit de plaisir... Tout était ouvert dans l’hôtel, merveille d’installation artistique... » etc.. Quand vous avez lu cette description, fermez les yeux et dites, en toute sincérité, si vous voyez ce que l’auteur a voulu peindre ! Les images qu’il accumule flottent dans le souvenir ; aucune d’elles n’est assez aiguë, ni assez nette pour s’y fixer... L’hôtel du comte Worézeff est identique à tous les hôtels qui sont féeriquement éclairés, où l’on