Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/28

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respire une atmosphère enivrante, où l’on écoute une musique entraînante, où l’on passe des nuits de plaisir, égayées par des éclats de rire perlés... Cette merveille d’installation artistique est d’une déplorable imprécision. Il me serait aisé de multiplier les exemples du même ordre. Je relève ailleurs cette courte phrase : « Mme Descharmais avait un bel appartement, un superbe mobilier. » Jamais un homme ayant le noble souci du style n’adopterait cette façon de parler. Il y a des milliers de manières d’être beau et d’être superbe. L’appartement de Mme Descharmais est-il beau selon le mode des chambres de l’Hôtel Continental ou des boudoirs de Trianon? Deux termes judicieusement choisis nous donneraient ces nuances sans que la phrase en fût alourdie...

A d’autres moments, M. Ohnet éprouve le besoin d’être fringant. Et, là encore, il déconcerte : « Sa bouche rose avait le contour suave de celles des madones. C’était le plus adorable visage qu’un amant pût rêver, avec la pureté séraphique de la bouche, et l'audace infernale du nez, qui défiait l’univers... Déjà on avait fait cercle autour d’elle tandis qu’elle ripostait à une des plus fines lames du monde littéraire. Elle raillait avec une aisance charmante. Rien de violent, ni de brutal ; un badinage élégant, dans lequel les répliques à l’emporte-pièce éclataient comme des pétards un soir de fête... » J’ai quelque honte à insister sur ces défaillances. J’ai l’air d’y mettre un parti pris de malice qui est loin de ma