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La Fleur de la Tombe


À Mistress Augusta Holmes


Oui, même dans nos jours turbulents ou moroses,
Il est des cœurs riants ouverts aux humbles choses,
Nature, celles-là qui ne lassent jamais
Et qu’avec tant d’amour dès l’enfance j’aimais !
Un soir je rencontrai, traversant la prairie,
Sulia, svelte enfant, compagne de Marie ;
Une fleur dans sa main brillait comme de l’or ;
Grave, elle murmura : « C’est l’âme de Grégor !
Bientôt viennent les froids : ce soir, au cimetière,
J’ai retiré la plante et sa motte de terre,
Et je veux l’abriter près de notre maison,
Pour la voir refleurir à la belle saison. »
Sous ses cheveux dorés, le pâtre au blanc visage,
Je l’avais bien connu : son âge était mon âge ;
Comme j’aimais Marie, il aimait Sulia ;
Le plaisir d’en parler tous les deux nous lia.
Pendant le catéchisme ou les libres dimanches,
Tout en cherchant des nids sous les épines blanches,
Oh ! les longs entretiens sur nos chères amours !
Récits toujours pareils, pleins de charme toujours !
Et les grands amoureux, les belles amoureuses,
Dont les yeux échangeaient des flammes langoureuses,