Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques I-II, Lemerre.djvu/298

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« Renouez vos cheveux, ô Lîlèz, et chantcz !
— Héléna, tous mes chants sont à vous ; écoutez ! »

LÎLÈZ.

Ma barbe est blonde encor, je ne suis qu’un jeune homme.
Parmi les moissonneurs pourtant on me renomme :
Quand je vais près de vous, Lena, coupant le blé,
Mon ardeur, je le sens, et ma force ont doublé.

Avec vous dans les bois que ne suis-je fauvette !
On vivrait, belle enfant, sans peur de la disette.
Bienheureux les oiseaux ! ils ne travaillent pas
Et trouvent en chantant leurs faciles repas.

Moi, j’ai les yeux tournés vers certaine chaumière :
Sortirez-vous enfin, madame la fermière ?
Vous si charmante à voir quand vous venez à nous
Avec les plats fumants, le cidre frais et doux ! —

À peine il achevait ces plaintes émouvantes,
due parut la fermière avec ses deux servantes ;
Soudain, trêve aux chansons ! mais, pour quelques instants,
N’en remuaient pas moins les langues et les dents.
À l’ombre ils savouraient, couchés sur l’herbe épaisse,
La succulente odeur de la soupe de graisse.
Le lard sur le pain noir fondant et la liqueur
Qui rafraîchit la bouche et ravive le cœur.
Ensuite un bon sonmieil. Puis, d’un nouveau courage,
Sur les épis sonnants recommença l’ouvrage.
Les dos étaient courbés, mais un lointain brouillard
Par moments soulevait l’œil de plus d’un vieillard :