Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques I-II, Lemerre.djvu/299

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« A l’œuvre, mes enfants, à l’œuvre ! » Et sans relâche,
Le front tout en sueur, chacun pressait sa tache.

L’orage cependant, et plus sombre et plus lourd.
Comme un dôme pesait sur l’église du bourg.
De ses flancs s’échappaient de longs éclairs bleuâtres
Qui faisaient fuir au loin les troupeaux et les pâtres ;
De larges gouttes d’eau tombaient ; les moissonneurs,
N’ayant plus qu’un secours, le Seigneur des seigneurs,
Par le sable volant leurs figures souillées,
Se mirent à genoux sur les herbes mouillées ;
Leurs faucilles gisaient éparses devant eux ;
Les mains jointes, ainsi parlaient ces malheureux :

LA FERMIÈRE.

Oh ! perdre en un moment le travail d’une année !
Voir languir dans la faim toute la maisonnée !
Pauvres petits enfants, avec quoi vous nourrir ?
Ô mes chers innocents, nous n’avons qu’a mourir.
 

LE FERMIER.

Oui, mourir ! le courage ici manque au plus ferme.
Vienne l’automne, hélas ! comment payer ma ferme ?
Ah ! dans ce champ maudit, quand mes mains l’ont bêché,.
Sans doute j’arrivais ciiargé d’un grand péché.

L’AÏEUL.

Non, vivez, ô mon fils. Dieu même vous l’ordonne.
Il rend ce qu’il a pris, il châtie et pardonne.
Dans ce malheur commun, seul, je vois bien ma part :
C’est à moi de mourir, inutile vieillard. —