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Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/126

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Ineffable bonheur des immenses amours,
Êtes-vous donc perdu, calme des anciens jours ?…
 
Je sais encore un être et souriant et calme.
Qui des morts bienheureux vivant porte la palme !
Ce pauvre volontaire, ami de l’indigent,
Passe le front baissé quand tarit son argent ;
Car les bras en avant, sur ses pas accourue,
Une foule le guette à chaque coin de rue,
Femmes, enfants, vieillards. Lui va semant son bien,
Puis il dit : « Pardonnez, hélas ! je n’ai plus rien. »
Prêtre, honneur de Kemper, pardonne aussi, digne homme,
Si, blessant ta vertu modeste, je te nomme,
Mais, dans l’humble sentier par toi-même affermi,
J’ai voulu dire au ciel : « J’eus un saint pour ami ! »
Quand d’autres vont suivant quelque ambition basse,
Bonheur de recueillir un mot du saint qui passe,
Ô bonheur de passer fier devant la fierté,
Et de s’humilier devant l’humilité !
À ta mort on verra, fils d’une paysanne,
Les pauvres s’arracher les pans de ta soutane,
Et près de ton cercueil tout un peuple fervent,
Ô serviteur de Dieu canonisé vivant !