Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/158

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Mais le jeune Tan-gui lui désignant du doigt
Un hêtre mince encore et s’élevant tout droit :
« Oh ! dit-il, celui-là, c’est l’arbre de ma fille.
À son sort est lié le sort de ma famille.
Je l’ai planté le jour où naquit Renéa.
Oui, c’est aussi son frère, aucun n’y touchera.

— Bien vous faites ! reprit, en déridant sa face,
Une vieille pliée en deux sous sa besace.
J’étais tout près de vous, le jour qu’il fut planté ;
Il m’en souvient, c’était un beau matin d’été.
Quel âge avais-je alors ? J’allais vers ma centaine.
Et déjà mon bâton me soutenait à peine,
Quand une bonne soupe, un bon morceau de pain,
Comme en ce jour, hélas ! n’apaisaient pas ma faim.
Longtemps j’avais erré de village en village ;
Seul, vous eûtes pitié, Rî-Wall, de mon vieil âge,
Aussi ma voix bénit votre enfant au berceau
Et le sol préparé pour le frêle arbrisseau.
Voyez s’ils ont poussé pleins de grâce et de sève !
Et, délices des yeux, comme chacun s’élève !
Mais attendez ! l’enfant doit s’embellir encor
Et l’arbre étinceler sous un feuillage d’or. »

Est-ce qu’elle était fée ? À l’instant, le ramage
D’un beau couple d’oiseaux argentés de plumage
Doucement soupira, puis sur l’arbre bénit
Les blancs ramiers cherchaient la place pour leur nid.
Et tous les assistants, interrogeant la vieille,
Murmuraient : « Expliquez, mère, cette merveille ! « 
Mais la jeune Renée et le jeune Tan-gui
Tournaient vers les ramiers un regard alangui ;