Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/160

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Mais quels jeux enfantins, quelles riantes choses
Peuvent de leurs soucis tirer ces cœurs moroses ?
 
Pour l’étrange atelier témoin de tout ceci,
Cet atelier construit dans les champs, le voici :
Des chevrons vigoureux et des menus branchages
On avait élevé la maison de feuillages,
Que les lourds chevalets, les grands outils luisants
Et les bois façonnés encombraient en tous sens ;
Les lits sont à l’entour, et, par une trouée,
Au milieu le foyer exhale sa fumée.
Là, tant qu’il restera du bois pour leurs métiers,
Vont vivre et travailler les errants sabotiers :
Puis, tout étant fini, la joyeuse peuplade
Met en chantant la flamme à la hutte nomade ;
Et bientôt les voilà dans un autre pays,
Sous des hêtres nouveaux redressant leur logis.
 
Pourtant, les sabots fins qu’un lis sculpté décore,
Où seul, avec la bride, un vernis manque encore,
Au pied de Renéa voulant les essayer,
Devant elle Tan-gui s’en vint s’agenouiller ;
Et si l’enfant joyeuse admirait sa chaussure.
Le cœur de l’ouvrier battait, je vous l’assure :
Ce pied nu, blanc, petit, qu’il serrait dans sa main,
Heureux il l’eût ainsi tenu jusqu’à demain ;
Mais le père, toujours plus sombre et plus farouche,
De la loge sortit brusquement, et sa bouche
Disait sur le chemin : « Moi, né d’un sang royal,
Qui dans les anciens jours n’avais pas de rival,
Moi, dont l’aïeul siégeait aux États de Bretagne,
Aujourd’hui laboureur, homme de la campagne.