Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/184

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Qu’il vienne au bord des flots, à ton miroir vermeil,
Celui-là qui veut voir ton lever, ô soleil !

Bientôt les bons pêcheurs de ce havre de Vannes,
À l’heure du reflux, quittèrent leurs cabanes.
Sur leurs habits pesants, tout noircis de goudron,
L’un portait un filet et l’autre un aviron ;
Leurs femmes les suivaient, embarquant une cruche
D’eau fraîche, un large pain qui sortait de la huche,
Du porc salé, du vin, — et durant les adieux
Leurs regards consultaient les vagues et les cieux.
Les chaloupes enfin, se défiant entre elles,
Comme de grands oiseaux déployèrent leurs ailes.

Celle qui la première ouvrit sa voile au vent
Portait un homme mûr, un jeune homme, un enfant,
Et leur aïeul à tous, dont les mains sillonnées
Marquaient de longs labeurs et de longues années :
Ses cheveux tout crépus semblaient un goëmon,
Mais quel jeune tiendrait plus ferme le timon ?
Nul, excepté son fils, au front rude, aux yeux glauques,
Homme doux dont la voix a toujours des sons rauques.
Leur pays, c’est Enn-Tell, et leur nom Colomban,
Un des saints que Dieu fit maîtres de l’Océan.

Tandis qu’ils s’éloignaient, laissant traîner leurs dragues,
Ils virent les enfants jouer au bord des vagues,
Et ceux qui tout le jour le long des murs assis,
Inutiles vieillards, n’ont plus que des récits.
Sur les quais, leurs maisons reluisaient toutes blanches,
Et par-dessus les toits, au loin, de vertes branches
Leur laissaient entrevoir de tranquilles hameaux ;