Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/194

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Il reste encor du lin, du chanvre à la maison ;
Nos doigts savent filer : pour refaire les voiles,
Allez donc retenir les bons tisseurs de toiles.
Enfin, pour que chez vous fleurisse encor l’espoir,
Nous prîrons le matin et nous prîrons le soir.
Vous l’avez dit : au chant harmonieux et triste
Il n’est cœur de Breton, de croyant qui résiste. »

Et comme les pêcheurs, des larmes dans les yeux,
Aux longs remercîments ajoutaient leurs adieux,
Les prenant par la main, le maître de la ferme,
Un homme aux longs cheveux, à la voix grave et ferme,
Dit : « Pourquoi nous quitter ? C’est l’heure du repos,
D’échanger entre amis quelques joyeux propos ;
Voyez autour de vous : les fléaux et les gerbes
Se taisent ; midi sonne, et sur les nappes d’herbes
On dresse le repas, espoir des travailleurs ;
De si rudes efforts par ces grandes chaleurs
Épuisent l’homme : il faut réparer la nature ;
Double besogne a droit à double nourriture.
Oh ! sentez-vous fumer et la soupe et le lard ?
Quel cidre frais et clair ! Prenez-en votre part.
Près de moi les enfants ! Ici les bonnes mères !
Pour l’heure, mes amis, trêve aux choses amères. »

Et dans le vert courtil égayé par le ciel
Le banquet s’accomplit, le banquet fraternel.
Ô fermier, pour cette œuvre hospitalière et bonne,
Que de chanvre et de blé votre logis foisonne !…

Encor ! — Six mois venus, derechef attablés,
Les sillonneurs de mer et les batteurs de blés