Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/26

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Mais le hautbois éclate, et, sans autres labeurs,
Le sol va se durcir sous les pas des danseurs ;
Et l’aire, tout le jour aplanie et foulée,
De seigle et de blé noir bientôt sera comblée ;
Les gerbes entreront en danse, et les fléaux
De leurs bruits cadencés empliront les coteaux.
 
Or, quand la belle veuve apparut dans la ronde,
Une commère (langue en paroles féconde)
Qui jour par jour savait tous les événements,
Et baptêmes joyeux, et noirs enterrements,
Au flux de son caquet se livrant de plus belle,
Disait à sa voisine aussi parleuse qu’elle :
« Oui, depuis bien longtemps servant loin du pays,
De cette histoire-là vous n’avez rien appris ;
Ma voisine, écoutez !… Certain jour, une noce,
Telle que n’en ont pas ceux qui vont en carrosse,
Marchait vers notre église, et cent coups de fusils
Faisaient tourbillonner les ruches des courtils.
D’abord venait l’époux ajusté comme un prince,
Homme aux cheveux blanchis, mais encor droit et mince
Et, comme tout devait émerveiller les gens,
À peine l’épousée entrait dans ses vingt ans :
Elle allait lentement, pâle et presque tremblante.
Mais, de la tête aux pieds, d’or toute ruisselante.
C’étaient dans tous les yeux des sourires, des pleurs,
Et pour les deux époux des vœux dans tous les cœurs ;
Car sur cette union miraculeuse, étrange,
Chacun avec bonheur voyait le doigt d’un ange.
 
« Mais comment le vieux Marc, jardinier du château.
Marin dans sa jeunesse et maître d’un bateau,