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Par Dieu régénérés, trouvaient une âme libre ;
Ici, c’est en plein air que l’autel est dressé,
Par la houle et les vents incessamment bercé :
Beau temple universel élevé par Dieu même,
Que seul il peut orner, lui, l’artiste suprême,
De nuages flottants, voiles d’un jour trop pur,
Ou de mille flambeaux dans une nuit d’azur.

Le prêtre a revêtu l’aube sainte, il déploie
Ses ornements, tissus de fils d’or et de soie ;
Le plus jeune pêcheur, au blond saint Jean pareil,
Sur sa base maintient le calice vermeil
Où la lune descend comme un rayon d’opale ;
L’encens fume, et ce chant de vingt barques s’exhale :
« Étoile de la mer, salut. Vierge ! » Et la mer,
Orgue immense, accompagne et fait monter dans l’air
Le cantique d’amour, sublimes harmonies
Qu’échangent lentement les plaines infinies.
Le mystère accompli sur l’onde et sous le ciel,
Ceux que devait nourrir le pain spirituel
S’en vinrent en ramant chercher le saint ciboire :
Sous les cheveux pendants et sous la mante noire,
Les lèvres s’avançaient, et tous, les yeux baissés,
Repartaient en chantant par d’autres remplacés…
Mais voici (du matin les blancheurs et les flammes
Conseillaient le départ et de hâter les rames)
Qu’une femme, au vieux prêtre offrant son nouveau-né,
Dit : « Faites-le chrétien ! » Et le prêtre incliné
Bénit l’onde salée, et de sa main ondoie
L’enfant que les parents regardent avec joie…
Ainsi, — vous l’attestez, foi du pays natal,
Grands souvenirs ! — le bien peut échapper au mal !