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Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/64

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III

Dès l’aube, il errait donc ainsi sous la feuillée,
Lorsque avec des albums, parmi l’herbe mouillée,
Un peintre voyageur perdu dans son chemin
Arrive et, faisant signe au prêtre de la main,
Demande s’il connaît sous le bois un passage
Vers certaine vallée, amour du paysage.
Puis, tous deux échangeant quelques saluts courtois,
Le pasteur, à son tour, demande si parfois
Les vallons de Bretagne ont vu passer l’artiste :
« Ce pays plaît au cœur comme une chose triste.
Qui peindra les aspects changeants de sa beauté ?
Des forêts à la mer, tout est variété :
Taillis, hameaux épars, landes, sombres rivages !
Partout l’âme y respire un parfum des vieux âges.
— Vous aimez la Bretagne, et moi, je l’aime aussi.
Ce lointain souvenir ne s’est point obscurci.
Dans un âge pourtant cher à celui qui tombe,
Sous les remparts d’Auray j’ai vu de près ma tombe.
— Dans Auray dites-vous ? Auray ! Vous me troublez.
Je vis aussi ma tombe au lieu dont vous parlez !
— C’était dans les Cent Jours, j’étudiais à Rennes.
Ces temps vous sont connus, leurs discordes, leurs haines.
Le pays se soulève, on s’arme, nous partons.
Face à face bientôt nous voilà : tous Bretons,
Dans ce faubourg d’Auray je vois, je vois encore,
Moi, fédéré, portant le ruban tricolore.