Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/131

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Dès qu’il fit jour, Lilèz, sa cousine, et le prêtre
Qui désirait pour eux tout voir et tout connaître,
S’avançaient vers la mine, et, sans s’être parlé,
Chacun des voyageurs sentait son cœur troublé.
Au bord de certains seuils souvent le pied hésite :
On craint, par un instinct secret, ceux qu’on visite :
Ainsi nos laboureurs se prenaient à songer,
Près de mettre le pied sur un sol étranger.
Qu’ils se hâtent pourtant ! Anna, pieuse fille,
Qui sait ce qu’un absent retrouve en sa famille ?
Vous avez saintement accompli votre vœu,
Mais hâtez-vous ! Qui sait les volontés de Dieu ?

Or, au sortir du bourg, il trouve le digne homme
Qui conduisait sa vache à saint Herbod, et comme
C’était un vieux mineur : « Prenez garde, dit-il,
À l’Esprit de la mine ! Il est traître et subtil.
Veillez bien sur vos pas. Je connais sa colère
Lorsqu’un travailleur chante ou siffle dans sa terre :
Il vous écraserait sous quelque éboulement ;
Ainsi parlez tout bas et marchez lentement.
Plusieurs y sont restés. Oh ! c’est un Esprit triste !
À présent, mes amis, saint Herbod vous assiste !
Voici la route, adieu ! » —

Les prés et les taillis
Des flots d’une vapeur si blanche étaient remplis,
Qu’ils semblaient cheminer entre deux murs de marbre.
À peine on distinguait le tronc pâle d’un arbre.
Les oiseaux se taisaient. De grands rayons dorés
Traversaient par endroits cette vapeur des prés,
Et soulevaient en l’air une barre d’atomes ;