Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/137

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Nains de toutes couleurs, ils sont là près d’un cent.
Je n’ai plus dans le corps une goutte de sang.
— Païen, cria le prêtre, avec toutes ses fables !
Ne songe pas aux nains et songe plus aux diables.
Avançons, avançons ! » Lilèz fit quelques pas ;
Mais, tandis qu’à grand’peine on montait Méné-Brâz,
Il s’arrêta tout court : « Pour cette fois, j’y reste.
Je sens un Corrigan qui se pend à ma veste.
Vous ne le voyez pas ; pour moi, je le sens bien.
Je vous dis qu’il s’accroche à mon dos comme un chien. »
 
Il semblait qu’irrités ce soir de leur visite,
Les Esprits de la mine erraient à leur poursuite ;
Toute tremblante, Anna se disait dans son cœur :
« Ceci doit annoncer chez nous quelque malheur. »

De même jusqu’au bourg. Des collines, des mares.
Des garennes, sortaient des figures bizarres ;
La terre se plaignait ; on ne sait pas pourquoi
L’Automne est toujours triste et nous glace d’effroi.

Enfin au presbytère on arriva. Le prêtre
Frappa trois fois des mains, et, poussant la fenêtre,
Le clerc lui répondit ; mais Lilèz, mais Anna,
Vers le hameau lointain s’acheminaient déjà.
Et levant derrière eux ses grands bras, un squelette
Les suivait en criant d’une voix de chouette.
Or, cette voix, c’était la Crieuse-de-Nuit,
Qui le long des fossés en hurlant vous poursuit ;
Dans la lande elle est là qui de loin vous regarde,
Et toujours on entend sa voix aigre et criarde.