Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/157

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Sur l’herbe on a posé la nappe étroite et jaune ;
Et les vingt travailleurs, jouteurs toujours ardents,
Se remettent ensemble à travailler des dents.
Le bon Tal-Houarn, les reins cambrés, le jarret ferme,
Allait et revenait du courtil à la ferme,
Portant de nouveaux pots, portant de nouveaux plats ;
Et Lilèz, son filleul, en poussait des hélas !
Mais lui, toujours la voix et la tête plus hautes,
Disait joyeusement : « Je me plains de mes hôtes.
J’avais cru réunir de vaillants journaliers ;
Dans le parc, j’en conviens, ils donnent volontiers.
Mais devant les rôtis et la liqueur des pommes.
Je l’avoue à regret, ce ne sont pas des hommes. »
On riait, et le cidre à pleins bords de couler ;
Le lard jaune et fumant venait s’amonceler ;
Et Tal-Houarn et sa femme, et toutes les fermières
À peine sudisaient à vider les chaudières.
 
Or, par le chemin creux qui vers le bourg conduit,
Son livre sous le bras, au tomber de la nuit,
Venait un jeune clerc : les épaisses fumées
Qui lentement sortaient des viandes enflammées,
Il ne les cherchait pas ; mais ce rêveur pensait
Qu’une fille était là dont la main attisait
Tous ces ardents brasiers, et, poursuivant sa route,
Il se disait encor : « Je la verrai sans doute ! »
Ce fut lui qu’à travers les branches du courtil
Aperçut le fermier : « Holà ! holà ! dit-il.
Croyez-vous qu’on ait peur de votre jeune tête ?
Bon clerc ne fut jamais de trop dans une fête. »
Et, traîné par la main, le galant, tout le soir.
Dut, parmi les buveurs, bon gré, mal gré, s’asseoir.