Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/158

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On lui dit, quand sa tasse entre ses mains fut pleine :
« Que cherche notre clerc près de notre fontaine ?
Pensif, ce soir encore, il en faisait le tour. »
L’hypocrite saisit lestement ce détour :
« Ah ! dans ce roi des prés, au bord du fleuve Izôle,
Tout esprit studieux avec bonheur s’isole !
Oui, j’aime cette source au pied de ce coteau ;
Car celui qui donna son nom à ce hameau.
Lorsqu’il avait chanté longtemps sur la colline,
Peut-être à l’heure pâle où le soleil décline,
Ce vieux barde, rempli des choses d’autrefois,
À la source du pré vint rafraîchir sa voix ;
Et lorsqu’il remontait à travers les grands saules,
Sa harpe en se heurtant vibrait sur ses épaules.
— La merveilleuse histoire ! Ô jeune homme savant,
S’écriaient les fermiers, visitez-nous souvent.
Certes, vous payez bien votre part d’une fête.
Nous travaillons des bras ; vous, Loïc, de la tête. »
Loïc, tu répondis : « Un barde de nos jours
Qui nourrit de ses chants les villes et les bourgs,
Un ami m’a conté ces antiques merveilles.
Ah ! comme avec plaisir s’ouvriraient vos oreilles
Si, debout parmi nous, et parlant avec feu,
Sa voix vous expliquait le nom de chaque lieu,
Noms sacrés qui, restés vivants dans la mémoire,
Depuis quatre mille ans racontent notre histoire !
— Celui dont vous parlez, ah ! nous le connaissons,
Dit le meunier Ban-Gor. Ecoutez ses chansons ! »
Mais l’hôte : « Si chez moi, ce soir, la gaité brille,
La mort, voici vingt jours, entra dans ma famille,
Et j’attends le retour de la même saison
Avant qu’aucun chanteur chante dans ma maison.