Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/186

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D’un son aigre et perçant fit frémir sa bombarde.
Pour Tal-Houarn, le lutteur, c’était le sanglier
Qui, les crins hérissés, débouche du hallier ;
Ses longs cheveux épars, c’est ainsi qu’il se rue,
Tête et bras en avant, au fort de la cohue.
Les gendarmes alors de vider les fourreaux ;
Et vers le Champ-de-Foire, au milieu des bestiaux,
Les Bretons de s’enfuir. « Morts ou vifs qu’on amène
Les deux garçons de Scaer ! criait le capitaine.
— Viens, repartit Lilèz, viens, coupeur de cheveux !
Tes mains ne tiennent pas encor ce que tu veux. »

Le farouche conscrit ! c’est lui qui sur sa tête
Ayant vu des ciseaux la lame déjà prête,
De la main des tondeurs brusque s’était sauvé,
Et par qui se trouvait ce tumulte élevé.
D’un fléau qu’il décroche au mur d’une boutique,
Quels coups à droite, à gauche, en tous sens il applique,
Couvrant le jeune clerc de soldats entouré,
Délivrant son ami qui l’avait délivré !

Jamais batteur de blé ne fit meilleur ouvrage.
La foule l’admirait, et lui disait : « Courage ! »

Ainsi près de Kemper, quand, voici cinq cents ans,
Contre les durs barons luttaient les paysans,
Et, nus, qu’ils attaquaient, ces pâtres de Cornouailles,
Les chevaliers cachés sous leurs cottes de mailles,
Jean, leur chef (saint martyr tombé là comme eux tous),
Semait autour de lui d’épouvantables coups ;
Et les mourants criaient, dans l’affreuse campagne :
« Tiens bon, Jean ! tu seras duc et roi de Bretagne ! »