Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/194

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Vivaient, et leurs fuseaux on peut les voir encor :
Enfants (retenez bien), ce sont les grandes pierres
Qui se tiennent debout au milieu des bruyères.
Ces grès, dont nul savant ne sait dire le poids,
Pesaient moins qu’un fétu pour leurs agiles doigts.
Aussi leur tâche était bien vite terminée :
À nos travaux d’un an suffisait leur journée.
Pourquoi ces bons Esprits ont-ils quitté nos champs ?
Mes amis, ce secret est celui des méchants.
 
« Mais c’était à Berneuf, sur le bord de la grève,
Dans leur grotte d’azur, comme on n’en voit qu’en rêve,
Pleine de sable d’or, pleine de larges fleurs
D’où sortaient à la fois des parfums, des couleurs ;
C’était dans ces rochers que se plaisaient ces reines
Dont les chants répondaient aux chansons des sirènes.
Secourables au faible, appui de l’indigent,
Elles aidaient celui qui perdait son argent :
Dans leur grotte on faisait la nuit quelque prière ;
Le lendemain l’argent brillait sur une pierre !…
Mais, fileuses ! c’est nous, nous que leur amitié
Entre les malheureux semblait prendre en pitié.
Peu nous gagnait leur cœur : quelques simples offrandes
De beurre et de pain frais, dont elles sont friandes.
Le soir vous alliez donc, portant un panier plein
De leurs mets favoris, puis de chanvre et de lin ;
Et quand vous reveniez le matin, de bonne heure,
Il ne restait plus rien du pain frais et du beurre,
Mais le chanvre et le lin, le tout était filé,
Et de cent écheveaux votre panier comblé.

« Ah ! voilà le bon temps ! Heureuses nos aïeules !