Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/202

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Aux voyageurs lassés il rend quelque vigueur.
— Je chantais pour moi seul, jeunes gens de Cornouailles :
C’est mon salut d’usage à ces pauvres murailles ;
Mais puisque l’air vous plaît, ô jeunes gens courtois,
Écoutez ! je suis fier de chanter pour nous trois :

« Ma maison est bâtie au bord de la rivière ;
Si son toit est en paille, elle a des murs en pierre ;
Comme cet ancien barde, harmonieux maçon,
Chanteur, avec mes chants j’ai construit ma maison.

« Tout près est un courtil où vient jaser l’abeille ;
À ses bourdonnements en été je sommeille ;
J’y trouve (c’est assez) des légumes, du lin ;
Il y manque un pommier, l’arbre cher à Merlin.

« Hélas ! ce n’est pas moi dont la main le cultive !
Mais, au temps des moissons, lorsque l’aveugle arrive,
Quand, les pieds tout poudreux, il rentre de bien loin,
De son petit enclos ses amis ont pris soin.

« Oh ! venez, venez voir la belle forêt verte,
Les grands pins résonnants dont ma hutte est couverte !
Si mes yeux ne voient pas leurs rameaux toujours verts,
Au murmure des pins je murmure des vers.
 
« Enfin, chère maison, pour ton dernier éloge,
La mer baigne tes pieds ; elle nous sert d’horloge ;
J’écoute son départ, j’écoute son retour :
Le flux et le reflux nous mesurent le jour.
 
« Ma chaumière, il est vrai, n’a pas une fenêtre :
Sans doute elle a voulu ressembler à son maître,