Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/204

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Comme chez maître Hervé chacun se tenait coi.
Quand l’étranger reprit : « Ouvrez, au nom du roi ! »
Pour lors ce fut Lilèz qui courut vers la porte,
Et l’ouvrit en riant de sa voix la plus forte :
« Mon parrain ! — Mon filleul ! » Et le chien Bleiz léchait
Son maître bien-aimé, qui vers lui se penchait.
« Hervé n’avait point tort de plaindre les gendarmes ;
Tout marcheur que je suis, je vous rendrais les armes,
Dit le brave fermier ; mais pourquoi se cacher
Lorsqu’un père, un ami, se tue à vous chercher ? »
Alors il déroula les heureuses nouvelles
Qui pour venir si loin lui donnèrent des ailes.
 
Après les cris de joie, après un long sommeil,
Et le large repas qui suivit leur réveil,
Jean Le-Guenn écoutait, du seuil de sa chaumière,
S’éloigner ses amis le long de la rivière.
L’aveugle était pensif. Eux marchaient d’un pas lent,
Comme des voyageurs qui vont tout en parlant.
« Çà, venez, dit Tal-Houarn, et relevez la tête :
L’amnistie est entière et pleine, on vous répète.
À nos guerriers d’Afrique, à ces victorieux,
Certe on ne devait pas un prix moins glorieux.
Courage donc, Lilèz ! ma nouvelle est certaine,
Comme aussi vous rentrez maître en votre domaine.
— Étrange ! dit Lilèz. — Étrange, assurément !
Car la main de Dieu brille en cet événement.

« O mon fils, écoutez cet effrayant mystère :
Devant les étrangers, hélas ! j’ai dû me taire.

« Voici de ça vingt jours, Ronan de Saint-Urien,