Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
Et bien des assistants, témoins de tout ceci,
Vers le lieu qu’il cherchait se détournaient aussi.
Curieux de trouver cette cause imprévue
Qui toujours attirait et son âme et sa vue.
 
Loïc était le nom de ce modeste clerc.
Il portait un costume à la mode de Scaer :
L’habit court et brodé, la braie aux plis antiques.
Et, tombant sur le dos, les grands cheveux celtiques.
 
Il se fit sur ses pas un murmure joyeux,
Une fille en priant seule baissa les yeux.
« Anna, dit-il, voici ce que pour Jésus même
Vous filerez chez vous avec un soin extrême ;
Jeune fille, prenez la Quenouille-de-Dieu,
Travaillez : Dieu paîra cette œuvre en autre lieu.
Puis, dimanche prochain, votre tâche filée,
Vous aurez soin d’offrir une autre quenouillée,
Pour que l’autel toujours ait du chanvre et du lin,
Et qu’une autre après vous file pour l’orphelin, »
 
De ces deux jeunes gens ainsi s’ouvre l’histoire.
Et des amours passés évoquant la mémoire.
J’ai souri, car mon cœur, qui se souvient de tous,
N’a pu trouver ailleurs un souvenir plus doux…
Mais déroulons aux yeux cette journée entière
Et donnons franchement l’ombre avec la lumière.
 
La grand’messe finie et l’angelus sonné,
Aussitôt tout ce peuple humblement prosterné,
Rajustant ses cheveux ou sa coiffure blanche,
Avide de grand air, sur la place s’épanche.